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Un récit socio-technique proposé par les étudiants d'Hutech

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CC BY-SA : Léa LACHAT, Jade PUTOT & Lucie UHLRICH
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En 2050, la manière d’édifier est pensée à l’échelle locale. Elle s’adapte au contexte social, culturel et historique du lieu via un respect de l’architecture traditionnelle régionale et des monuments historiques. Elle s’adapte également au contexte géographique via l’usage de matériaux locaux et le respect de savoir-faire traditionnels. Chaque projet raconte un récit singulier et fait naître une opportunité de création architecturale à partir du contexte. Ainsi, les habitants se définissent à nouveau par leur ancrage spatio-temporel, lié à leur habitat et plus largement au territoire qu’ils forment et qu’ils partagent avec les habitants de leur communauté.

Les habitants s’identifient au lieu qu’ils habitent et qu’ils font vivre ensemble. Les espaces de vie sont décloisonnés et communicants afin d’encourager le partage de tâches et d’activités communes. Les matériaux sont choisis localement, et mis en œuvre par des artisans locaux. Le réemploi et le recyclage des matériaux sont pensés dès leur mise en œuvre afin de minimiser l’empreinte carbone de leur cycle de vie et d’anticiper leur changement d’usage. Les habitants participent également à la construction et à l'aménagement de leur territoire via des chantiers participatifs guidés par des artisans soucieux du partage et de la transmission de leurs savoir-faire. L’architecture permet ainsi de renouer un lien entre l’édifice et le lieu qui témoigne d’une volonté de construire durablement afin d’assurer la pérennité du bâtiment.

Chaque projet de construction s’insère à nouveau dans une continuité temporelle via une responsabilité intergénérationnelle. Les édifices sont conçus ou réhabilités à partir de l’existant hérité des générations passées, et pensés dans l’optique d'être transmis aux générations futures. La mixité fonctionnelle permet de donner plusieurs usages au bâtiment et d’adapter ceux-ci au besoin des habitants à travers le temps. Les bâtiments, qu’ils soient neufs ou anciens, sont confortables et conviviaux. L’ensemble du parc bâti a en effet fait l’objet d’une rénovation énergétique permettant de lutter contre les déperditions thermiques et de réduire drastiquement les consommations énergétiques. Un compromis a été trouvé entre la préservation du patrimoine et la préservation de l’environnement, afin de résoudre les problématiques esthétiques liées à la réhabilitation du bâti. Les bâtiments historiques abritent de nouveaux usages, de nouvelles fonctions et sont accessibles à tous. Libérés de leur mise sous cloche, ils font désormais partie de la quotidienneté.

Les bâtiments ne présentant pas d'intérêt patrimonial sont également restaurés et rénovés énergétiquement. L’enveloppe du bâtiment et la structure primaire sont conservées lorsque cela est possible, afin de limiter les émissions de CO2 liées à la construction neuve. La maîtrise d’ouvrage travaille avec la maîtrise d’usage dans le but de restituer des logements souples, aménageables selon différentes configurations, en fonction du besoin des habitant, tout en restant dans l’enveloppe originelle des bâtiments.

Lorsque la réhabilitation est rendue impossible par la mauvaise qualité structurelle du bâti, la fin du cycle de vie du bâtiment est traitée précieusement. La déconstruction est privilégiée à la démolition. Des ateliers de reconditionnement et des lieux de stockage sont mobilisés en vue de donner une seconde vie aux matériaux. La conception de bâtiments neufs s’opère autour d’ateliers collectifs pour concevoir des espaces adaptés au mode de vie de chacun. Le bâti est composé de structures propices à la reconversion et le cycle de vie des édifices est pensé dès leur conception afin de faire évoluer leurs usages avec souplesse, entre conservation, restauration et réutilisation.

En 2050, la manière d’habiter est pensée par l’habitant, elle n’est plus pensée par un promoteur, mais par un collectif qui habite le lieu. Elle s'adapte au contexte socioprofessionnel et culturel de ses habitants. Les citoyens n’habitent plus uniquement leurs logements mais s’approprient par la participation active à un collectif, l’espace public.

Le rapport de l’homme à son habitat, à évolué, il est désormais conscient de son écosystème d'habitation, de sa complexité, de ses implications dans d'autres systèmes, et de l’importance de l’équilibre de cet écosystème d’habitation. Parce que l’habitation s'étend au-delà du logement, les citoyens habitent le lieu d'exercice de leur profession, leur lieu d’éducation, leur lieu de loisir, la convivialité liée à l’habitat s’est propagée dans l’espace public, le citoyen de 2050 prend soin de sa ville de ses rues comme de son propre logement, il prend soin de son environnement car il en est une part vivante, impactante et impactée par la santé de son environnement.

L’espace public s’est densifié, les non-lieux ont été replacés au cœur des problématiques de réaménagement urbain. Les espaces abandonnés pour des raisons d’insalubrité, de non-droit ont été réhabilités, ils sont le nouveau cœur battant d’un quartier qui autrefois gangrénée reprend vie, retrouve son attractivité et son activité économique et culturel. Les couronnes périurbaines, cités dortoirs sont désormais de réelles communautés, des lieux d’habitation par la décentralisation et la multiplication des espaces culturels, d’activités, de soin, la convivialité a pu fleurir au cœur de ces espaces et entraîner la constitution de lieux d’habitation au sens plein du terme.

Les espaces muséifiés sont désormais des espaces de vies, le silence, la réserve sacrée qui leur étaient associés ont été remplacés par une curiosité bruyante et un rapport d’habitation, d’appropriation, les bâtiments anciens, éléments d’Histoire continuent de transmettre leurs récits tout en en permettant un nouveau dans un espace transformé, ouvert, accessible, adapté aux besoins actuels. Ces bâtiments impénétrables sont désormais des lieux de passage, de vie, d’éducation, d’habitation. Ce sont les urbanistes et les architectes qui en collaboration avec des historiens, des professeurs / éducateurs, les pouvoirs publics, des associations de quartiers, des architectes des bâtiments de France, des artisans qui ont pu réfléchir au potentiel des bâtiments historiques et patrimoines industriels aux possibilités de réhabilitation, pour transformer ces lieux inaccessibles et fermé en lieux d’activités culturelles, professionnelles, pédagogiques, rendant l’inaccessible connu et fréquenté.

Parce que chaque citoyen se doit d’être respecté dans son intégrité, les citoyens sont capables d’habiter décemment, les hommes n’habitent plus l’inhabitable misère de la rue, peu importe leurs moyens, ils ont un foyer et l’habiter dignement est un droit fondamental de la loi. Ce sont les urbanistes et les architectes en collaboration avec les pouvoirs publics, des sociologues, des structures de réinsertions et le corps médical qui ont pu réfléchir et mettre en place des solutions durables pour éradiquer la misère de la rue et proposer des logements temporaires d’urgences, des possibilités longues durées associés avec des possibilités de réinsertion professionnelle, permettant ainsi un changement durable de la situation assurant que chaque citoyen puisse habiter.

En 2050, la manière de transmettre et protéger est pensée pour les générations futures. La protection ne revêt plus un enjeu touristique et économique. Les monuments historiques et les bâtiments anciens sont protégés dans le but d’être transmis, puis par la suite appropriés par les générations futures.

La réglementation n’est pas un frein mais un outil pour les urbanistes et les constructeurs. L’intervention en site protégé a évolué, il ne s’agit plus de mettre les bâtiments « sous cloche » mais de leur donner plusieurs vies. La législation met en avant une intervention raisonnée et scientifique tournée vers les besoins réels des habitants et pas seulement vers un intérêt esthétique ou historique. Elle propose des appuis techniques mais aussi des outils de concertation pour chaque projet en fonction des contraintes spatiales, énergétiques et historiques du site.

La manière de financer les projets de réhabilitation a aussi largement changé. Les collectivités investissent dans leur patrimoine pour qu’il reste vivant. Les lois pénalisent les constructions neuves faisant appel à des matériaux importés et à des savoir-faire standardisés au profit des artisans locaux. Afin de limiter l’artificialisation des sols ainsi que l’étalement urbain, les usagers sont sensibilisés à la rénovation et aux changements de mode de vie qu’elle impose (habitude de chauffage, de forme du bâti, d’organisation des espaces…).

Par le travail d’artisans locaux formés aux matériaux et aux techniques de la région, le patrimoine est pérennisé sans être figé. Chaque artisan fait vivre le matériau qu’il façonne et ce savoir-faire est transmis de génération en génération, de maître à apprenti mais aussi aux usagers des lieux. Ainsi, au-delà d’habiter le lieu, l’usager s’encapacite et prend conscience de l'œuvre dans laquelle il vit.

Les politiques nationales sont tournées vers la fluidité des usages et des formes. Ainsi, un château qui était hier résidence des rois peut devenir aujourd’hui une école et demain une auberge pour les personnes sans-abris. Il s’agit de transmettre aux générations futures l’enveloppe du bâtiment, parfois sa structure mais surtout son histoire. Le bâtiment porte en lui-même ses nombreuses vies successives et la possibilité d’en écrire bien d’autres. Il n’est plus question d’abandonner un lieu dont la forme ne nous convient plus mais de le rénover et de lui donner un nouvel usage même lors des travaux. L’urbanisme transitoire est systématisé, un lieu ne reste jamais vide.
  1. Verrou 1 : pratiques de démolition qui rendent impossible le réemploi des matériaux

    En 2022, la tendance est à la démolition-reconstruction pour des raisons économiques. Cette pratique doit être remise en cause au vu de la crise de la matière : les ressources s’épuisent alors que les déchets se multiplient. Il est nécessaire de réfléchir à la reconversion du bâtiment dès sa conception mais également à la revalorisation des matériaux ayant servi à sa construction. Un matériau doit avoir plusieurs vies. Le réemploi, la réutilisation et le recyclage doivent remplacer l’incinération et l’enfouissement des déchets.

    Pour parvenir à cela, il faut interdire la démolition au profit de la transformation, lorsque la qualité du bâti existant s’y prête, ou de la déconstruction. En 2050, les bâtiments seront déconstruits précieusement, les matériaux triés par des artisans en fonction de ceux propices au réemploi qui seront réutilisés sur d’autres projets et ceux qui devront être recyclés pour servir un nouvel usage.
  2. Verrou 2 : architecture fonctionnelle qui conduit à l’obsolescence du bâti ancien

    En 2022, chaque bâtiment est pensé et conçu dans l’optique de servir une fonction précise. Les bâtiments abritant des bureaux, des logements ou des activités culturelles ne sont pas conçus de la même manière puisqu’ils sont soumis à des normes différentes. De plus, les pratiques constructives, héritées du siècle dernier, ne permettent pas d’interventions structurelles. Il est de ce fait très difficile d’envisager le changement d’usage de bâtiments anciens qui ne couvrent plus les besoins d’une population. Ceux-ci, devenus obsolètes, sont abandonnés ou démolis. Il est donc nécessaire de bâtir des espaces plus souples, fluides et modulables afin de pouvoir les transmettre aux générations futures qui les transmettront à leur tour aux suivantes.

    Pour parvenir à cela, il a fallu remplacer l’architecture fonctionnelle par une architecture réversible. En basculant de l’éphémère vers le durable, du fixe au démontable, l’architecture s’adapte aux modes de vie de ses usagers et leur offre une possibilité de mieux s’approprier l’espace. Les systèmes législatif et normatif ont été assouplis et ne réduisent désormais plus les espaces à l’exclusivité d’un usage.
  3. Verrou 3 : obsession de la restauration « à l’identique » des monuments historiques

    En 2022, les bâtiments inscrits ou classés au titre de monuments historiques font l’objet de pratiques de restauration « à l’identique » très contraignantes et souvent en désaccord avec les politiques environnementales. Les réglementations imposent un retour à l’état initial des bâtiments patrimoniaux, se traduisant par la mise en œuvre de matériaux d’origine et de techniques ancestrales. Or, les bâtiments historiques ont souvent des enveloppes thermiques très peu performantes qui engendrent d’importantes consommations d’énergie. Il est donc important de questionner ces pratiques patrimoniales face à l’urgence climatique, et de réfléchir à une manière de concilier la préservation du patrimoine et la préservation de l’environnement.

    Pour parvenir à cela, il a fallu faire dialoguer des historiens, ingénieurs, architectes des bâtiments de France, programmistes et artisans afin de trouver des solutions techniques et esthétiques permettant de satisfaire l’ensemble des parties prenantes. Les lois garantissant la protection des monuments historiques ont été assouplies et autorisent désormais plus facilement les interventions sur des monuments historiques et dans le périmètre de ceux-ci. Ils répondent donc, au même titre que les autres bâtiments, aux réglementations énergétiques et environnementales. Ces espaces ont également été revalorisés et sont désormais destinés à abriter des lieux de vie.
  4. Verrou 4 : la législation met en place des périmètres strictes qui entravent les projets

    De nos jours, l’inscription ou le classement d’un bâtiment au titre des « monuments historiques » limite grandement les interventions sur ce bâtiment. L’enveloppe, la façade, l’aménagement intérieur et même les matériaux employés ne peuvent faire l’objet d’une modification par les architectes ou les urbanismes dans un projet de réhabilitation. Cette « mise sous cloche » des bâtiments anciens qui deviennent intouchables limite grandement leur appropriation et donc leur transmission car sans attrait touristique ni usage, ils sont souvent laissés à l’abandon et amenés à la destruction.

    Pour arriver à ce qui se pratique en 2050, les réglementations ont été modifiées. Reconnaissant l’importance de donner un usage aux bâtiments anciens (autres que des musées ou des lieux touristiques), les différents acteurs du patrimoine ont mis en place des appuis techniques pour permettre de restaurer sans détruire et de transmettre sans dénaturer.
  5. Verrou 5 : le métier d’artisan est très peu valorisé et il manque de formations

    En 2022, les métiers de l’artisanat sont dépréciés. L’appel à la standardisation et le manque de formations amènent les savoir-faire à se perdre progressivement.

    Pour arriver à la situation de 2050, les métiers de l’artisanat ont connu une grande publicisation. Les formations se sont multipliées pour former les artisans de demain mêlant savoir-faire d’antan et technologies actuelles. Les écoles ont incorporé des cours de travaux pratiques. Dès leur plus jeune âge, les écoliers ont appris à rencontrer la matière et à se servir d’outils. Il est question de créer des vocations mais aussi d’encapaciter les jeunes à grande échelle.
  6. Verrou 6 : le bâtiment est abandonné dès qu’il n’a plus d’usage

    En 2022, la construction neuve est favorisée par rapport à la rénovation. Les aménageurs et les constructeurs ne se tournent pas vers la rénovation jugée trop coûteuse. Ainsi, si un bâtiment se retrouve vidé de ses usagers, il sera plus facilement détruit ou abandonné que rénover.

    Dans le monde de 2050, un bâtiment est fluide, c’est-à-dire qu’il peut posséder plusieurs usages successifs ou en parallèle. Il n’est jamais laissé sans usage. Pour arriver à cet état de fait, les usagers ont dû réapprendre à s’approprier les bâtiments et s’encapaciter dans leur manière d’habiter (CF Partie II). Les urbanistes favorisent des projets de réhabilitation en redonnant vie au bâtiment laissé à l’abandon et en leur donnant des usages même lors des différents travaux (urbanisme transitoire).
  7. Damien Rocher. L’architecture réversible fonctionnelle dans les métropoles françaises : l’anticipation du changement d’usage pour prévenir de l’obsolescence du bâti : les cas de Strasbourg (67), Montpellier (34) et Bordeaux (33). Sciences de l’Homme et Société, 2021.
En 2050, la manière d’édifier est pensée à l’échelle locale. Elle s’adapte au contexte social, culturel et historique du lieu via un respect de l’architecture traditionnelle régionale et des monuments historiques. Elle s’adapte également au contexte géographique via l’usage de matériaux locaux et le respect de savoir-faire traditionnels. Chaque projet raconte un récit singulier et fait naître une opportunité de création architecturale à partir du contexte. Ainsi, les habitants se définissent à nouveau par leur ancrage spatio-temporel, lié à leur habitat et plus largement au territoire qu’ils forment et qu’ils partagent avec les habitants de leur communauté.

Les habitants s’identifient au lieu qu’ils habitent et qu’ils font vivre ensemble. Les espaces de vie sont décloisonnés et communicants afin d’encourager le partage de tâches et d’activités communes. Les matériaux sont choisis localement, et mis en œuvre par des artisans locaux. Le réemploi et le recyclage des matériaux sont pensés dès leur mise en œuvre afin de minimiser l’empreinte carbone de leur cycle de vie et d’anticiper leur changement d’usage [Verrou 1 LIEN]. Les habitants participent également à la construction et à l'aménagement de leur territoire via des chantiers participatifs guidés par des artisans soucieux du partage et de la transmission de leurs savoir-faire. L’architecture permet ainsi de renouer un lien entre l’édifice et le lieu qui témoigne d’une volonté de construire durablement afin d’assurer la pérennité du bâtiment.

Chaque projet de construction s’insère à nouveau dans une continuité temporelle via une responsabilité intergénérationnelle. Les édifices sont conçus ou réhabilités à partir de l’existant hérité des générations passées, et pensés dans l’optique d'être transmis aux générations futures. La mixité fonctionnelle permet de donner plusieurs usages au bâtiment et d’adapter ceux-ci au besoin des habitants à travers le temps [Verrou 2 LIEN]. Les bâtiments, qu’ils soient neufs ou anciens, sont confortables et conviviaux. L’ensemble du parc bâti a en effet fait l’objet d’une rénovation énergétique permettant de lutter contre les déperditions thermiques et de réduire drastiquement les consommations énergétiques. Un compromis a été trouvé entre la préservation du patrimoine et la préservation de l’environnement, afin de résoudre les problématiques esthétiques liées à la réhabilitation du bâti. Les bâtiments historiques abritent de nouveaux usages, de nouvelles fonctions et sont accessibles à tous. Libérés de leur mise sous cloche, ils font désormais partie de la quotidienneté [Verrou 3 LIEN].

Les bâtiments ne présentant pas d'intérêt patrimonial sont également restaurés et rénovés énergétiquement. L’enveloppe du bâtiment et la structure primaire sont conservées lorsque cela est possible, afin de limiter les émissions de CO2 liées à la construction neuve. La maîtrise d’ouvrage travaille avec la maîtrise d’usage dans le but de restituer des logements souples, aménageables selon différentes configurations, en fonction du besoin des habitant, tout en restant dans l’enveloppe originelle des bâtiments.

Lorsque la réhabilitation est rendue impossible par la mauvaise qualité structurelle du bâti, la fin du cycle de vie du bâtiment est traitée précieusement. La déconstruction est privilégiée à la démolition. Des ateliers de reconditionnement et des lieux de stockage sont mobilisés en vue de donner une seconde vie aux matériaux. La conception de bâtiments neufs s’opère autour d’ateliers collectifs pour concevoir des espaces adaptés au mode de vie de chacun. Le bâti est composé de structures propices à la reconversion et le cycle de vie des édifices est pensé dès leur conception afin de faire évoluer leurs usages avec souplesse, entre conservation, restauration et réutilisation.

En 2050, la manière d’habiter est pensée par l’habitant, elle n’est plus pensée par un promoteur, mais par un collectif qui habite le lieu. Elle s'adapte au contexte socioprofessionnel et culturel de ses habitants. Les citoyens n’habitent plus uniquement leurs logements mais s’approprient par la participation active à un collectif, l’espace public.

Le rapport de l’homme à son habitat, à évolué, il est désormais conscient de son écosystème d'habitation, de sa complexité, de ses implications dans d'autres systèmes, et de l’importance de l’équilibre de cet écosystème d’habitation. Parce que l’habitation s'étend au-delà du logement, les citoyens habitent le lieu d'exercice de leur profession, leur lieu d’éducation, leur lieu de loisir, la convivialité liée à l’habitat s’est propagée dans l’espace public, le citoyen de 2050 prend soin de sa ville de ses rues comme de son propre logement, il prend soin de son environnement car il en est une part vivante, impactante et impactée par la santé de son environnement.

L’espace public s’est densifié, les non-lieux ont été replacés au cœur des problématiques de réaménagement urbain. Les espaces abandonnés pour des raisons d’insalubrité, de non-droit ont été réhabilités, ils sont le nouveau cœur battant d’un quartier qui autrefois gangrénée reprend vie, retrouve son attractivité et son activité économique et culturel. Les couronnes périurbaines, cités dortoirs sont désormais de réelles communautés, des lieux d’habitation par la décentralisation et la multiplication des espaces culturels, d’activités, de soin, la convivialité a pu fleurir au cœur de ces espaces et entraîner la constitution de lieux d’habitation au sens plein du terme [Verrou 2 à nouveau, volet culturel LIEN].

Les espaces muséifiés sont désormais des espaces de vies, le silence, la réserve sacrée qui leur étaient associés ont été remplacés par une curiosité bruyante et un rapport d’habitation, d’appropriation, les bâtiments anciens, éléments d’Histoire continuent de transmettre leurs récits tout en en permettant un nouveau dans un espace transformé, ouvert, accessible, adapté aux besoins actuels. Ces bâtiments impénétrables sont désormais des lieux de passage, de vie, d’éducation, d’habitation. Ce sont les urbanistes et les architectes qui en collaboration avec des historiens, des professeurs / éducateurs, les pouvoirs publics, des associations de quartiers, des architectes des bâtiments de France, des artisans qui ont pu réfléchir au potentiel des bâtiments historiques et patrimoines industriels aux possibilités de réhabilitation, pour transformer ces lieux inaccessibles et fermé en lieux d’activités culturelles, professionnelles, pédagogiques, rendant l’inaccessible connu et fréquenté [Verrou 2 à nouveau, volet culturel LIEN].

Parce que chaque citoyen se doit d’être respecté dans son intégrité, les citoyens sont capables d’habiter décemment, les hommes n’habitent plus l’inhabitable misère de la rue, peu importe leurs moyens, ils ont un foyer et l’habiter dignement est un droit fondamental de la loi. Ce sont les urbanistes et les architectes en collaboration avec les pouvoirs publics, des sociologues, des structures de réinsertions et le corps médical qui ont pu réfléchir et mettre en place des solutions durables pour éradiquer la misère de la rue et proposer des logements temporaires d’urgences, des possibilités longues durées associés avec des possibilités de réinsertion professionnelle, permettant ainsi un changement durable de la situation assurant que chaque citoyen puisse habiter.

En 2050, la manière de transmettre et protéger est pensée pour les générations futures. La protection ne revêt plus un enjeu touristique et économique. Les monuments historiques et les bâtiments anciens sont protégés dans le but d’être transmis, puis par la suite appropriés par les générations futures.

La réglementation n’est pas un frein mais un outil pour les urbanistes et les constructeurs. L’intervention en site protégé a évolué, il ne s’agit plus de mettre les bâtiments « sous cloche » mais de leur donner plusieurs vies [Verrou 4 LIEN]. La législation met en avant une intervention raisonnée et scientifique tournée vers les besoins réels des habitants et pas seulement vers un intérêt esthétique ou historique. Elle propose des appuis techniques mais aussi des outils de concertation pour chaque projet en fonction des contraintes spatiales, énergétiques et historiques du site.

La manière de financer les projets de réhabilitation a aussi largement changé. Les collectivités investissent dans leur patrimoine pour qu’il reste vivant. Les lois pénalisent les constructions neuves faisant appel à des matériaux importés et à des savoir-faire standardisés au profit des artisans locaux. Afin de limiter l’artificialisation des sols ainsi que l’étalement urbain, les usagers sont sensibilisés à la rénovation et aux changements de mode de vie qu’elle impose (habitude de chauffage, de forme du bâti, d’organisation des espaces…).

Par le travail d’artisans locaux formés aux matériaux et aux techniques de la région, le patrimoine est pérennisé sans être figé. Chaque artisan fait vivre le matériau qu’il façonne et ce savoir-faire est transmis de génération en génération, de maître à apprenti mais aussi aux usagers des lieux. Ainsi, au-delà d’habiter le lieu, l’usager s’encapacite et prend conscience de l'œuvre dans laquelle il vit [Verrou 5 LIEN].

Les politiques nationales sont tournées vers la fluidité des usages et des formes. Ainsi, un château qui était hier résidence des rois peut devenir aujourd’hui une école et demain une auberge pour les personnes sans-abris. Il s’agit de transmettre aux générations futures l’enveloppe du bâtiment, parfois sa structure mais surtout son histoire. Le bâtiment porte en lui-même ses nombreuses vies successives et la possibilité d’en écrire bien d’autres. Il n’est plus question d’abandonner un lieu dont la forme ne nous convient plus mais de le rénover et de lui donner un nouvel usage même lors des travaux. L’urbanisme transitoire est systématisé, un lieu ne reste jamais vide [Verrou 6 LIEN].

Avant-projets / idées de projets en réaction aux verrous

Avant-projet contre le verrou 1 LIEN
À ce verrou, on pourrait répondre en anticipant la déconstruction d’un édifice dès sa conception. Les matériaux mis en œuvre sont sélectionnés en fonction de leur impact carbone lors de leur production, de leur utilisation et de leur fin de vie.

En ce qui concerne la fin de vie du bâti existant, celle-ci doit être traitée avec soin en minimisant la part de démolition et en privilégiant la déconstruction. En effet, bien que la transformation soit privilégiée à la déconstruction, celle-ci est parfois rendue impossible par la mauvaise qualité des structures. Dans ce cas, les matériaux doivent être triés et servir à la reconstruction de nouveaux bâtiments. Ces pratiques, favorisées par la RE2020, sont de plus en plus mises en œuvre, bien que la démolition soit la pratique dominante car la moins coûteuse.

Nous pouvons évoquer le projet de réhabilitation du bâtiment de transport logistique TLM, intitulé Au fil du rail, comme exemple. Cet ancien bâtiment va faire l’objet d’une reconversion en un lieu hybride au service de l’alimentation, de la culture et du textile de seconde-main . Pour ce projet, seulement 25% des surfaces existantes ont été démolies. Le reste des matériaux ont été réemployés in situ : l’enveloppe a été construite avec les menuiseries de l’ancienne préfecture Morland et 49,6% de la masse de matériaux du suréquipement Pinard provient de matériaux réemployés ou recyclés, dont 100% des tuiles en terre, des briques, de l’huisserie bois et de la menuiserie existante. Le réemploi des matériaux représente une réduction de 11,6% les émissions carbone du projet (Voir l'exposition « Conserver, Adapter, Transmettre », Pavillon de l’Arsenal).
Avant-projet contre le verrou 3 LIEN
À ce verrou on pourrait répondre en acceptant d’intervenir sur le patrimoine historique bâti lorsque cela permet de réduire les consommations énergétiques et l’impact environnemental des anciens bâtiments. Il faudra pour cela réfléchir à des manières de modifier le moins possible l’apparence des édifices patrimoniaux, bien que cela soit souvent nécessaire pour rénover les anciens bâtiments peu optimisés et très mal isolés.

Des subventions peuvent être accordées par l’État pour inciter les maîtres d’ouvrage à rénover énergétiquement des édifices à intérêt patrimonial. Des labels sont également en train d'être mis en place (label Effinergie patrimoine) dans le but de certifier les travaux de réhabilitation énergétique engageant la préservation du patrimoine et participant à l’amélioration de la qualité de vie de ces bâtiments (voir ici) . Cependant, les réglementations n’ont pas été assouplies et il est difficile d’avoir l’accord de la DRAC pour des travaux de rénovation se détachant des pratiques de restauration « à l’identique ».
Avant-projet contre le verrou 4 LIEN
À ce verrou, nous pourrions répondre en adoptant de nouvelles normes pour l’intervention en site « protégé » ou « classé » afin d’anticiper sur leur fin de vie et permettre une meilleure transition dans leurs usages. Par la réforme des lois encadrant les bâtiments anciens et leur préservation, nous pourrions permettre leur transmission raisonnée.

Par l’adoption de nouvelles lois, l’État pourrait inciter les maîtres d’ouvrages à prendre en charge des projets de réhabilitation par la création de « bonus » à la réhabilitation. La destruction ne serait plus la voie privilégiée car le bilan financier de la rénovation serait plus équilibré. D’un point de vue social, les bâtiments pourraient retrouver un usage car la loi n'imposera plus leur mise sous cloche mais au contraire leurs usages permanents.
Avant-projet contre le verrou 5 LIEN
À ce verrou, nous pourrions répondre en redonnant une place centrale aux artisans dans l’organisation des villes et des projets de construction. Par la valorisation de leur savoir-faire, les projets de réhabilitation pourraient être adaptés aux nouveaux usages sans perdre l’histoire sédimentée qui a permis leur transmission.
Par la reconnaissance de leur savoir-faire et l’abandon du travail standardisé sur chantier, les artisans deviendraient un point nodal dans le projet de construction. Ainsi, la création de nouvelles formations pourrait permettre aux jeunes sensibilisés de poursuivre dans cette voie.

Projets

Projet contre le verrou 2 LIEN : conception de bâtiments mixtes et réversibles, destinés à abriter plusieurs usages au fil du temps

Projet : conception de bâtiments mixtes et réversibles, destinés à abriter plusieurs usages au fil du temps

En réponse au verrou 2 LIEN, on pourrait répondre en édifiant des bâtiments plus souples, fluides et modulables afin d’allonger leur durée de vie. Le changement d’usage doit être pensé dès la conception du bâti afin d’alléger les adaptations nécessaires à sa transformation lorsque celui-ci ne répondra plus au besoin des usagers. En effet, chaque bâtiment devra s’adapter aux changements du mode d’habiter, de travailler et de se déplacer de ces habitants pour prévenir l’obsolescence. Un bâtiment réversible peut également être composé d’espaces pluri-fonctionnels abritant une mixité sociale.

  • Zone visée : des usagers de tout âge (étudiants, séniors, familles) pourront cohabiter au sein d’un même bâtiment ou ensemble de bâtiments. Ils pourront occuper l’espace de différentes manières, à différents moments de la journée étant donné qu’un bâtiment réversible peut aussi bien accueillir des logements que des bureaux, des ateliers ou encore des lieux culturels. L’implantation au cœur du centre-ville est privilégiée pour réduire l’étalement urbain.
  • Objectifs visés : les indicateurs d’un tel projet porteront sur la capacité évolutive et la pérennité de la structure du bâtiment, la réduction de l’étalement urbain par la reconversion de bâti en centre-ville, la conception d’éléments qui libèrent l’architecture plutôt que ne la figent, l’appropriation de l’espace par les usagers et la qualité architecturale de l’édifice car l’architecture réversible ne doit pas pour autant être générique.
  • Benchmark
    • Aujourd’hui, on compte très peu de projets de transformation du bâti ancien et les quelques projets existants concernent des changements d’usage passant de l’industrie à des lieux de culture (transformation facile car grands espaces, hauteurs sous plafond importantes etc.) mais les changements d’usage entre tertiaire et logement sont très compliquées.
    • Cependant, quelques projets d’architecture réversible ont vu le jour ces dernières années. Nous pouvons citer à titre d’exemple la tour TEBIO, à Bordeaux, conçue par l’agence Canal Architecture. Ce bâtiment abritera une crèche au rez-de-chaussée, ainsi que des bureaux, des logements et des ateliers aux étages supérieurs. Sa particularité réside dans l’aménagement des circulations verticales, excentrées et rejoignant des pontons communs. Ces pontons offrent une liberté d’usage potentielle à chaque étage, qui pourra évoluer en fonction de l’avenir du bâtiment. Pour la conception de cet édifice, les 7 principes permettant de favoriser la réversibilité d’un bâtiment (cf. LIEN), proposée par Canal Architecture, a été respectée. Parmi ceux-ci figurent une hauteur d’étage de 2.70 m, des circulations excentrées et des systèmes poteaux-dalles (Cf. Construire Réversible, Canal Architecture).
    • D’un point de vue réglementaire, des évolutions sont également à prévoir. Le projet de la loi Climat et Résilience de 2021 indique que « les bâtiments dont le permis de construire est déposé après le 1er janvier 2023 font l'objet, avant leur construction, d'une étude de potentiel de réversibilité et d'évolution future (Cf. Article 52 du projet de loi Climat et Résilience) ».
  • Livrables
    • Volet technique : donner un nouvel usage au bâti ancien (protégé ou non) afin de lui offrir une seconde vie. Cela passe par une rénovation et par l’introduction de plusieurs fonctions au sein d’un même bâtiment. Toutefois, cela n’est pas toujours possible. Lorsque la qualité de l’édifice existant ne peut subir de transformations, celui-ci est déconstruit et les matériaux sont réemployés dans un projet de construction neuve de bâtiment réversible. Ce bâtiment neuf est conçu dans l’optique de changer d’usage au fil du temps. Aucune fonction ne lui est donc attribuée d’office, les espaces, souples et modulables, s’adaptent au gré des usagers et de leurs besoins.
    • Volet sociétal : accueillir, au sein d’un même bâtiment, des usagers issus de divers milieux sociaux, qui cohabitent et font vivre leur quartier ensemble. Les habitants, travailleurs, retraités ou encore étudiants, qui vivent ou passent du temps au sein de l’édifice, sont soucieux de transmettre celui-ci aux générations futures, afin qu’elles puissent à leur tour l’adapter à leurs modes de vie.
    • Volet culturel: dépasser la muséification et la classification du bâti en raison de l'esthétique . Les utilisateurs, habitants du bâti ont dépassé l’esthétique fonctionnelle et acceptent qu’un bâti peut importe sa forme puisse être utilisé pour des fonctions différentes de celles pensées lors de sa construction. Ils souhaitent par l’utilisation d’un bâti peu importe son architecture et son ancienneté et par sa révision fréquente permettre la pérennité d’un bâti et sa mise en valeur au travers de différents usages.
    • Volet social: habiter devient un droit fondamental. Les bâtiments sont réhabilités et de moins en moins de logements sont inoccupés. Dans la mission de réduire les inégalités sociales, la réhabilitation et la modularité du bâti jouent un rôle important. En effet, les habitations sont modulables, divisibles et convertibles en logements sociaux temporaires, ces solutions d’urgence permettent d'œuvrer pour la santé publique et le respect de la dignité de chaque citoyen.
Projet contre le verrou 6 LIEN : l’urbanisme transitoire, une réponse pour des friches abandonnées

Projet : l’urbanisme transitoire, une réponse pour des friches abandonnées

En réponse au verrou 6 LIEN, on pourrait répondre en assurant la continuité des usages pour tous bâtiments ou terrains. Associée à une conception fluide de la construction neuve, la rénovation du bâti ancien pourrait elle aussi répondre à la demande toujours plus croissante de foncier en ville et par là lutter contre l’artificialisation des sols.
L’abandon d’un bâtiment survient quand sa forme ne répond plus aux besoins de l’activité qu’il abrite et il peut se passer des années avant qu’il retrouve un usage et quand un nouveau maître ouvrage projette une rénovation, le bâtiment n’est pas immédiatement réinvesti. En effet, un projet urbain demande une phase d’avant-projet très importante dans laquelle il est décidé de l’avenir du bâtiment ou du terrain, de ses usages mais aussi du volet technique par la concertation et des études préliminaires. Pendant cette phase où les équipements sont souvent abandonnés, certains aménageurs proposent une autre approche. Le concept d’urbanisme transitoire vise à éviter la période de dévitalisation qui intervient entre deux projets en donnant au lieu un usage temporaire.
Nous pouvons évoquer le projet de réhabilitation de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul en plein cœur de Paris. Si l’objectif du projet de rénovation de ce terrain qui abritait autrefois des services hospitaliers est de créer un écoquartier, le terrain n’est pas resté vide pendant la phase amont du projet. Ce projet d’urbanisme transitoire intitulé « Les Grands Voisins » a permis d’accueillir de nombreuses personnes en situation précaire, leur offrant un toit mais aussi un cadre de socialisation inégalé en plein cœur de Paris. Ouverte à tous pour des activités culturelles, des marchés et des parcours sportifs, la zone des « Grands Voisins » a permis de réunir de nombreux milieux et de permettre « que le temps du projet et des études soit aussi un temps d’actions au service des habitantes et habitants (consulter ce document) ».