Cette décentralisation permet de garder le contrôle de ses données (verrou 4). Plusieurs mécanismes sont mis en place pour protéger ses utilisateurs. Une instance peut choisir de bloquer l’accès d’autres instances si elle n’adhère pas aux propos diffusés, par exemple. Elle peut bannir un utilisateur de son instance. Elle peut même choisir de rester isolée, créant ainsi un réseau social local (pour une famille, une entreprise, une institution, etc.). Plusieurs paramètres de confidentialité sont possibles : visible seulement par les personnes mentionnées, visible uniquement par les abonnés, où totalement public. Une particularité de Mastodon est qu’il n’est pas possible de citer un message d’un autre utilisateur : cela limite largement les comportements haineux qui mène à un acharnement sur un utilisateur en tant de désaccord. De plus, il n’est pas possible de chercher une chaîne de caractères dans l’ensemble des messages postés. La recherche ne se fait que sur les hashtags. Ainsi, l’utilisateur à le choix d’inclure ou non des mots-clés avec des hashtags dans son message.
De plus, sur Mastodon il n’y a pas d’algorithme de recommandation : apparaissent sur le fil d’actualité que les publications des utilisateurs suivis par ordre chronologique, sans autre hiérarchisation, ni distinction. Les contenus les plus populaires ne sont pas mis en avant. Ainsi, les mécanismes addictifs sont largement limités (verrous 4 et 5).
2) Le changement du moyen de rémunération, du modèle économiqueLa décentralisation en de nombreuses petites unités permet aussi de répartir les coûts liés au stockage des données entre davantage de personnes. En effet, Mastodon ne repose pas sur des publications publicitaires, il n’y en a aucune, mais sur des donateurs pour assurer l’entretien des serveurs (verrou 6). Le réseau prône une éthique non commerciale et attentive à ses utilisateurs.
Ainsi, Mastodon constitue une alternative libre et transparente aux réseaux sociaux ultra-centralisés et captifs des multinationales. Cependant cette solution n’est pas miracle et possède des faiblesses.
Les limites : Tout d’abord, le problème de la modération se pose. En effet, Mastodon étant composé de multiples petites entités, il ne possède pas de charte générale de modération. La responsabilité est individuelle : la modération se fait à l’échelle de l’instance, c’est l’administrateur qui fait la loi sur son serveur. Aussi, la modération étant faite par l’administrateur, ce dernier peut décider de bannir quelqu’un simplement car il ne possède pas les mêmes opinions politiques que lui, créant ainsi des bulles d’opinion. Les bulles d’opinion déjà présentes sur les réseaux sociaux classiques avec les algorithmes de recommandation, sont un phénomène dangereux car elle empêche la confrontation des points de vue encourageant donc la radicalisation et la polarisation des opinions.
De plus, les serveurs très populaires, comme mastodon.social, sont lents car ils ne sont pas dimensionnés pour des dizaines de milliers d’utilisateurs.
La modération à l’échelle de l’instance pose un autre problème : la sécurité. En effet, les administrateurs d’instances ont accès aux messages privés et aux mots de passe de tous les utilisateurs de leur instance. Il est donc impératif que l’administrateur soit bien intentionné et digne de confiance.
Enfin, le modèle économique de Mastodon est-il viable à grande échelle? Il repose sur les dons des utilisateurs et partisans des logiciels libres. Or, la majorité des personnes étant habituée à accéder aux services des réseaux sociaux gratuitement, on peut se demander si tout le monde serait prêt à contribuer avec une faible cotisation régulière.
Application à une entité particulière, l’UTC :Imaginons qu’un serveur Mastodon soit créé à l’UTC. Il pourrait être utilisé pour permettre à l’administration de transmettre des informations à l’ensemble des élèves, mais aussi permettre aux élèves de communiquer en eux sous le même principe que le groupe Facebook UTC=). Cette instance pourrait être privée : seuls ses membres auraient accès aux publications et pourraient participer.
Mastodon semble totalement adéquat à premier abord, cependant, les usages ancrés et les habitudes rendraient le changement compliqué. L’avantage de Facebook pour UTC=) est que bien souvent les élèves possèdent déjà un compte et l'utilisent, ainsi tout est au même endroit. Pour résoudre ce verrou, une solution pourrait être de sensibiliser les élèves avec des conférences expliquant les dangers des médias sociaux type GAFAM. En effet, la prise de conscience de certaines pratiques permet d’accepter plus facilement le changement.
Acteurs potentiels pour ce projet :- Mastodon
- L’administration de l’UTC, dont la DSI et le responsable informatique du BDE
- Stéphane Crozat, enseignant-chercheur de l’UTC défendant le libre et la décentralisation
- Picasoft, association de l’UTC, CHATONS qui défend une approche libriste et respectueuse de la vie privée
Ressources :- Entretien avec Stéphane Crozat.
- BENESSAIEH, Karim. “Bienvenue sur Mastodon, l’anti-Twitter”, La Presse, 03/11/2022 (article lu en ligne le 27/12/2022).
- BOLYCHEVSKY, Irina. “There’s more to decentralisation than blockchains and bitcoin”, Redecentralize.org, 18/08/2018. URL : https://redecentralize.org/blog/2018/08/18/theres-more-to-decentralisation-than-blockchains-and-bitcoin.html
- COUTANT, Alexandre et STENGER, Thomas. Les médias sociaux : une histoire de participation. Le Temps des médias. Revue d’histoire, 2012, no 18, p. 76-86.
- MALEKAL.COM, “La modération Twitter VS modération Mastodon : les différences”, 08/11/2022. URL : https://www.malekal.com/moderation-twitter-vs-moderation-mastodon/
- ROCHKO, Eugen. “Cage the Mastodon. An overview of features for dealing with abuse and harassment”, Join Mastodon, 06/07/2018. URL : https://blog.joinmastodon.org/2018/07/cage-the-mastodon/